Orrick – 10 actualités en Droit Public – Septembre 2021


September.10.2021

Contrats publics

1. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « loi climat et résilience » procède à plusieurs modifications, notamment en droit des contrats publics ainsi qu’en droit de l’énergie et droit de l’environnement (cf. ci-dessous).

Les dispositions suivantes (figurant à l’article 35 de la loi) peuvent être relevées en matière de droit des contrats publics :

  • Les spécifications techniques d’un marché public ou d’une concession (à l’exclusion des concessions en matière de défense ou de sécurité) devront désormais « [prendre] en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale » (art. L. 2111-2 et L. 3111-2 modifiés du code de la commande publique).
  • Les critères d’attribution d’une concession (à l’exclusion des concessions en matière de défense ou de sécurité) devront inclure au moins un critère « [prenant] en compte les caractéristiques environnementales de l’offre » (art. L. 3124-5 modifié du code de la commande publique).
  • Les conditions d’exécution d’un marché public ou d’une concession (à l’exclusion des concessions en matière de défense ou de sécurité) devront « [prendre] en compte des considérations relatives à l’environnement » (art. L. 2112-2 et L. 3114-2 modifiés du code de la commande publique).

    La prise en compte de « considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations » dans les conditions d’exécution sera en principe obligatoire pour les marchés ou les concessions « dont la valeur estimée est égale ou supérieure aux seuils européens (…) », sauf cas particulier.

Ces mesures prendront effet à compter d’une date à définir par décret, et au plus tard 5 ans après la promulgation de la loi.

2. La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République impose au titulaire d’un contrat de la commande publique, à ses employés et à ses sous-traitants de veiller au respect du principe d’égalité des usagers ainsi qu’au principe de neutralité et laïcité du service public. Une mise en conformité des contrats en cours devra être réalisée.

L’article 1-II de cette loi énonce que « Lorsqu'un contrat de la commande publique (…) a pour objet, en tout ou partie, l'exécution d'un service public, son titulaire est tenu d'assurer l'égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public ».

Le titulaire d’un tel contrat doit également veiller à ce que « ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction » ainsi que ses sous-traitants et sous-concessionnaires respectent ces mêmes principes lorsqu’ils participent à l’exécution du service public.

Les contrats concernés devront inclure un rappel de ces obligations et prévoir « les modalités de contrôle et de sanction du cocontractant (…) » en cas de manquement à celles-ci.

Cette exigence s’applique tant aux futurs contrats qu’aux « contrats pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est en cours (…) et [aux] contrats en cours (…) ». Ceux-ci devront par conséquent être mis en conformité « en tant que de besoin » pour inclure ces éléments dans un délai d’un an, sauf si leur terme intervient avant le 25 février 2023 – soit dix-huit mois suivant la publication de la loi (art. 1-III de la loi précitée).

3. La Cour administrative d’appel de Versailles rappelle qu’en l'absence de décision formelle de résiliation d’un contrat administratif, ce dernier doit être considéré comme tacitement résilié lorsque la personne publique, par son comportement et au vu des circonstances de l’espèce, y a mis un terme de façon non équivoque (CAA Versailles, 8 juill. 2021, n° 18VE01576).

Par un arrêt du 8 juillet 2021, la Cour administrative d’appel de Versailles rappelle la solution dégagée par le Conseil d’Etat (CE, 27 févr. 2019, Société CAPCLIM, n° 414114), selon laquelle :

« En dehors du cas où elle est prononcée par le juge, la résiliation d'un contrat administratif résulte, en principe, d'une décision expresse de la personne publique cocontractante. Cependant, en l'absence de décision formelle de résiliation du contrat prise par la personne publique cocontractante, un contrat doit être regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles. L'existence d'une résiliation tacite du contrat doit être appréciée au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d'autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d'exécuter le contrat, compte tenu de sa durée et de son terme, ou encore de l'adoption d'une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l'exécution du contrat ou de faire obstacle à l'exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles ». 

En l’espèce, il est jugé que le contrat a été tacitement résilié dans la mesure où, (i) d’une part, les mises en demeure adressées au cocontractant de la personne publique sont restées sans réponse et où, (ii) d’autre part, la personne publique avait désigné un nouveau prestataire.

4. Saisi d’un recours « Tarn-et-Garonne », le Tribunal administratif de Nancy prononce la résiliation avec effet différé de la concession de « Grand Nancy Thermal » en raison, selon le Tribunal, d’une modification substantielle des documents de la consultation intervenue au cours de la procédure de mise en concurrence (TA Nancy, 9 juillet 2021, n° 1900371 et 1900372).

Plusieurs particuliers et membres de l’assemblée délibérante de la métropole du Grand Nancy avaient saisi le Tribunal administratif de Nancy d’un recours en contestation de validité (ou recours « Tarn-et-Garonne ») contre le contrat de concession portant sur la conception, la construction et l’exploitation du nouveau centre aquatique, thermal et de bien-être dit « Grand Nancy Thermal ».

Le jugement du Tribunal administratif de Nancy sur ce recours présente un intérêt à trois égards, même s’il n’est pas acquis qu’il sera confirmé en appel voire en cassation. 

En premier lieu, il apporte des précisions sur l’appréciation de l’intérêt à agir des tiers au contrat dans le cadre d’un recours en contestation de validité.

En application de la jurisprudence administrative, le recours en contestation de validité est ouvert à « tout tiers à un contrat administratif », à condition cependant que le requérant soit « susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par [la] passation ou [les] clauses [de ce contrat] (…) ».

Au cas précis, les particuliers requérants invoquaient à la fois leur qualité d’usager du service public et leur qualité de contribuable local.

S’agissant de la qualité d’usager du service public, le Tribunal administratif retient une solution proche de celle dégagée par le Conseil d’Etat en matière de recours pour excès de pouvoir (cf. la décision « Société Lyonnaise des Eaux » rendue par le Conseil d’Etat le 11 mai 2011). Le Tribunal indique, en effet, que « lorsque l’auteur du recours se prévaut de sa qualité d’usager du service public, il lui revient d’établir, outre sa qualité, d’usager, que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des effets significatifs sur l’organisation, le fonctionnement de ce service public ou ses tarifs ». Le Juge considère néanmoins que, au cas précis, la qualité d’usager du service public ne suffit pas à caractériser une lésion suffisamment directe et certaine des intérêts des requérants dès lors que ces derniers n’ont pas démontré être des usagers réguliers du complexe thermal existant.

S’agissant de la qualité de contribuable local, le Tribunal reprend le principe dégagé par le Conseil d’Etat dans sa décision « Le Monnier » rendue le 27 mars 2020 et estime que les requérants « sont fondés à soutenir que le contrat litigieux a des conséquences significatives sur les finances de la collectivité » eu égard à l’importance du montant des subventions versées au concessionnaire par l’autorité concédante.

En deuxième lieu, le Tribunal juge que la modification, au cours de la procédure de mise en concurrence, des conditions de versement d’une subvention constitue une modification substantielle des « caractéristiques minimales » prévues par les documents de la consultation justifiant une résiliation du contrat de concession.

A titre liminaire, il convient de préciser que le contrat de concession prévoit le versement de deux types de subvention : (i) d’une part, une subvention d’un montant de 25 millions d’euros, versée sur les trois premières années d’exécution du contrat et destinée à financer une partie du montant des travaux et, (ii) d’autre part, une subvention de 2,26 millions d’euros, versée chaque année pendant 27 ans à compter de la quatrième année d’exécution du contrat.

Pour considérer que les « caractéristiques minimales » prévues par les documents de la consultation ont été substantiellement modifiées, le Tribunal adopte un raisonnement en trois temps. 

D’abord, il indique que la contribution forfaitaire de 2,26 millions d’euros versée annuellement au concessionnaire constitue une subvention d’investissement (au même titre que la subvention de 25 millions d’euros) dans la mesure où, en particulier, elle fait l’objet d’une cession-escompte au bénéfice des prêteurs du concessionnaire à compter de la mise à disposition des ouvrages dans le but de refinancer le crédit construction. Le Tribunal en déduit que l’autorité concédante s’engage ainsi à verser au concessionnaire des subventions d’équipement pour un montant de près de 86 millions d’euros.

Ensuite, le Tribunal relève que le versement de deux subventions d’investissement par l’autorité concédante a été intégré dans le contrat de concession lors de la phase de négociation alors que (i) d’une part, « les documents de la consultation exigeaient que le financement des ouvrages du site Grand Nancy Thermal soit assuré en totalité par le concessionnaire et prévoyaient uniquement le versement par la métropole d’une subvention forfaitaire de fonctionnement, en contrepartie des contraintes de service public relatives au pôle sport/loisir » et, (ii) d’autre part (et « au surplus »), la délibération du conseil métropolitain « approuvant le choix de la concession » précisait que « Grand Nancy s’est engagé à ne pas assurer le financement de Grand Nancy Thermal (…) », tout comme l’avis de la commission de délégation de service public mentionnait que « Grand Nancy s’était engagé à ne pas assurer le financement de Grand Nancy Thermal ».

Enfin, le Tribunal déduit de ce qui précède que « l’ajout d’une subvention d’investissement et la transformation de la contribution liée à l’exploitation du site en subvention d’équipement, pour une somme globale de 86 millions d’euros, ce qui représente près de 88% du coût total des travaux tel qu’il a été retenu dans l’offre de la société attributaire, ont modifié de manière substantielle les conditions économiques du contrat telles qu’elles figuraient dans les documents de la consultation (…) ».

En troisième lieu, le Tribunal diffère la prise d’effet de la résiliation à la date d’achèvement des travaux ou, au plus tard, à la date prévisionnelle de mise en service de l’ouvrage. 

Le Tribunal considère, après avoir relevé que les illégalités affectant le contrat de concession « n’ont affecté ni le consentement de la personne publique ni la licéité du contrat » et que « l’instruction n’a pas permis d’établir l’existence de circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser la société attributaire », que les manquements commis ne sont pas de nature à entrainer l’annulation du contrat mais seulement sa résiliation. 

S’il estime ensuite que la résiliation ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général, il prononce toutefois la résiliation du contrat avec un effet différé au plus tard à la date d’achèvement des travaux ou à la date prévisionnelle de mise en service des ouvrages, au motif que la résiliation immédiate du contrat entraînerait l’obligation de créer un nouveau projet alors que les travaux sont déjà avancés et que les droits de propriété intellectuelle de l’architecte s’opposeraient à la reprise du projet en l’état par un nouvel opérateur.

Une telle solution suscitera sans doute quelques difficultés en pratique au regard du montage juridique et financier d’un tel projet. En effet, dans ce type de montage, la dette, les fonds propres et les quasi-fonds propres utilisés pour financer les investissements sont généralement injectés en phase de construction et ne sont remboursés qu’à compter de la mise en service des ouvrages (c’est-à-dire lorsque ceux-ci commencent à produire des revenus). L’une des questions essentielles à résoudre par les parties sera, par conséquent, de savoir si l’indemnité de résiliation qui sera versée par l’autorité compétente sera ou non suffisante pour désintéresser prêteurs et investisseurs.

On peut relever, enfin, que la résiliation devra intervenir au plus tard au 11 décembre 2022, date de mise en service prévisionnelle des ouvrages. En cas de retard des travaux, hypothèse qui n’est jamais à exclure dans ce type de projet quelle que soit la qualité du constructeur, il conviendrait donc de résilier le contrat avant l’achèvement de l’ouvrage, ce qui ne semble pas en ligne avec l’objectif recherché par le Tribunal administratif.

Énergie et Environnement

5. La loi « climat et résilience » précitée procède à plusieurs modifications du droit de l’énergie et du droit de l’environnement.

En matière de droit de l’énergie, la loi comprend notamment les dispositions suivantes :

  • L’article 82 de la loi complète l’article L. 181-28-2 du code de l’environnement afin de permettre au maire de la commune d’implantation d’un projet de parc éolien constituant une ICPE d’adresser au porteur de projet ses observations sur le résumé non technique de l’étude d’impact du projet. Le cas échéant, le porteur du projet doit faire évoluer son projet pour répondre aux observations formulées par le maire.
  • L’article 85 de la loi crée un nouvel article L. 352-1-1 dans le code de l’énergie, qui autorise le recours à une procédure d’appel d’offres « lorsque les capacités de stockage d'électricité ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-1 ou lorsque le bilan prévisionnel pluriannuel mentionné à l'article L. 141-8 met en évidence des besoins de flexibilité (…) », étant précisé que la procédure distingue « le cas échéant, les différentes catégories de stockage parmi lesquelles les stations de transfert d'énergie par pompage, les batteries et l'hydrogène (…) ». Un décret pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie doit préciser la mise en œuvre concrète de cette nouvelle disposition.
  • L’article 86 de la loi modifie l’article L. 100-4 du code de l’énergie afin d’imposer que la décision de fermer une centrale nucléaire « ayant pour finalité l'atteinte des objectifs de la politique énergétique nationale » prenne en compte, entre autres, l’objectif de réduction des gaz à effet de serre.
  • L’article 88 de la loi ouvre la possibilité aux collectivités territoriales de participer au capital de sociétés ayant pour objet social la production d’hydrogène. Au sujet de l’hydrogène également, l’article 81 de la loi autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour préciser « les régimes légaux des stockages souterrains et des mines afin, notamment, de définir les modalités de leur extension à d'autres substances, comme l'hydrogène ».
  • L’article 89 de la loi impose notamment au gouvernement d’ « [évaluer] les possibilités d'augmenter la capacité installée de production d'électricité d'origine hydraulique à l'horizon 2035, y compris la part que pourraient prendre dans l'augmentation de ces capacités les installations hydrauliques dont la puissance est inférieure à 4,5 mégawatts, ainsi que les possibilités d'augmenter les capacités installées d'installations de stockage sous forme de stations de transfert d'énergie par pompage, en tenant compte des besoins de stockage d'électricité à un horizon de moyen terme ».
  • L’article 93 de la loi prévoit que « (…) les collectivités territoriales situées sur le littoral de la façade maritime » sont invitées à formuler un avis dans le cadre du débat public préalable au lancement d’une procédure de mise en concurrence pour la construction et l’exploitation d’un projet éolien en mer.

En matière de droit de l’environnement, la loi renforce significativement les sanctions applicables.

L’article 279 de la loi crée en particulier l’article L. 173-3-1 du code de l’environnement, qui introduit la « mise en danger » de l’environnement. L’auteur de ce délit encourt jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu'au triple de l'avantage tiré de la commission de l'infraction.

L’article 279 de la loi complète par ailleurs l’article L. 541-46 du code de l’environnement afin de sanctionner le non-respect d’une mise en demeure au titre du I de l’article L. 541-3 du même code, cette mise en demeure étant applicable aux violations des règles applicables au stockage des déchets.

Ensuite, l’article 280 de la loi créé un titre consacré aux atteintes générales aux milieux physiques. Dans ce cadre, l’article L. 231-1 du code de l’environnement prévoit une peine de cinq années d’emprisonnement et une amende d’un montant pouvant atteindre un million d’euros en cas d’atteinte générale à l’environnement quand elle résulte de la violation « manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Quand cette atteinte est commise de « manière intentionnelle », il s’agit alors d’un écocide qui est passible d’une peine de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 4,5 millions d’euros.

Les infractions prévues notamment aux articles L. 173-3-1 et L. 231-1 du code de l’environnement ne peuvent être constituées que si les atteintes ou effets nuisibles qu’elles entraînent sont « durables », c’est-à-dire s’ils sont susceptibles de durer au moins sept ans.

6. Deux décrets pris pour l’application de dispositions environnementales de la loi « ASAP » ont été publiés : le premier procède à plusieurs aménagements des procédures environnementales tandis que le second modifie la procédure applicable à la cessation d’activité d’une ICPE.

D’une part, le décret n° 2021-1000 du 30 juillet 2021, pris pour l’application du titre III de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 (dite « ASAP »), a procédé à l’aménagement de plusieurs procédures environnementales. On peut relever, notamment, les mesures suivantes :

  • le relèvement de l’ensemble des seuils financiers prévus par l’article R. 121-2 du code de l’environnement au-delà desquels un projet d’aménagement ou d’équipement donne lieu à une saisine de la Commission nationale du débat public ou est rendu public ;
  • la fixation à 4 jours du délai – courant à compter de la fin de la consultation du public – au-delà duquel l’autorité administrative compétente peut autoriser le démarrage anticipé de travaux pour lesquels les autorisations d’urbanisme requises ont déjà été obtenues mais pas encore l’autorisation environnementale, conformément à l’article L. 181-30 du code de l’environnement ;
  • la fusion des procédures de consultation réalisées au titre de la délivrance d’une autorisation environnementale et d’une étude d’impact.

D’autre part, le décret n° 2021-1096 du 19 août 2021 – qui entrera en vigueur à compter du 1er juin 2022 – a pour objet de préciser les modalités d’application de l’article 57 de la loi ASAP, qui a instauré l’obligation pour les exploitants d’une installation classée pour la protection de l’environnement de faire attester par une entreprise certifiée la mise en œuvre des opérations de mise en sécurité et de réhabilitation du site en cas de cessation de l’activité.

Ce décret modifie par ailleurs la procédure de cessation d’activité d’une installation classée pour la protection de l’environnement, notamment pour les éoliennes.

S’agissant de ces dernières, il convient également de souligner que le remplacement d’un ou plusieurs aérogénérateurs constituant « une modification notable au sens de l’article R. 181-46 » du code de l’environnement devra désormais respecter les mêmes formalités que celles applicables aux opérations de démantèlement et de remise en état du site en cas de cessation d’activité.

7. La CJUE fait application du principe de solidarité énergétique (CJUE, 15 juill. 2021, Allemagne c. Pologne, aff. C-848/19).

Dans cette affaire, la Pologne avait demandé l’annulation de la décision de la Commission européenne par laquelle cette dernière avait procédé à la révision, à la demande de l’autorité de régulation de l’énergie allemande, des conditions de la dérogation aux règles relatives à l’accès des tiers et à la réglementation tarifaire accordée au gazoduc OPAL – qui constitue la section terrestre, à l’ouest, du gazoduc Nord Stream 1. La Pologne invoquait notamment la méconnaissance du principe de solidarité énergétique.

Dans sa décision, la CJUE confirme la solution rendue en première instance par le Tribunal de l’Union européenne qui avait fait droit à la demande de la Pologne.

Le Tribunal avait en effet considéré que le principe de solidarité énergétique « comporte une obligation générale, pour l’Union et les États membres, de tenir compte des intérêts de tous les acteurs susceptibles d’être concernés, de sorte que l’Union et les États membres doivent s’efforcer, dans le cadre de l’exercice de leurs compétences au titre de la politique de l’Union en matière d’énergie, d’éviter de prendre des mesures qui pourraient affecter ces intérêts, s’agissant de la sécurité de l’approvisionnement, de sa viabilité économique et politique et de la diversification des sources d’approvisionnement, et ce afin d’assumer leur interdépendance et leur solidarité de fait ».

Au cas particulier, le Tribunal avait estimé que la décision de la Commission européenne portait atteinte au principe de solidarité énergétique dès lors que « premièrement, la Commission n’a pas procédé à un examen des incidences de la modification du régime d’exploitation du gazoduc OPAL sur la sécurité d’approvisionnement de la Pologne et, deuxièmement, il n’apparaît pas que cette institution a examiné quelles pourraient être les conséquences, à moyen terme, notamment pour la politique en matière d’énergie de la République de Pologne, du transfert vers la voie de transit Nord Stream 1/OPAL d’une partie des volumes de gaz naturel transportés auparavant par les gazoducs Yamal et Braterstwo, ni qu’elle a mis en balance ces effets avec l’augmentation de la sécurité d’approvisionnement au niveau de l’Union, constatée par elle ».

8. Le Conseil d’Etat fait application du principe de non-régression en matière environnementale (CE, 9 juill. 2021, n° 439195).

Par une décision du 9 juillet 2021, le Conseil d'Etat a annulé, sur le fondement du principe de non-régression en matière environnementale, l’autorisation donnée au ministre chargée de l’aviation civile d’édicter des dérogations au cas par cas à l’interdiction de faire décoller ou atterrir certains avions à l’aérodrome de Beauvais-Tillé durant certaines plages horaires nocturnes.

Le principe de non-régression est l’un des principes généraux du droit de l’environnement. Il est défini au 9° du II de l’article L. 110-1 du Code de l’environnement comme le principe selon lequel « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». En l’espèce, il est jugé que ce principe a été méconnu car (i) d’une part, le ministre n’a pas encadré le surcroit du trafic aérien nocturne résultant de l’octroi de dérogations et, (ii) d’autre part, le ministre n’a pas indiqué les motifs d’intérêt général qui justifiaient ces dérogations.

9. Le Juge des référés du Tribunal administratif de Guyane suspend l’autorisation environnementale d’une centrale thermique au regard de l’objectif de réduction des gaz à effet de serre posé par le code de l’énergie (TA Guyane, Ord., 27 juill. 2021, Associations France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement, n° 2100957).

Le Juge des référés était saisi, sur le fondement de l’article L. 554-12 du code de justice administrative, d’une demande de suspension formée par les associations France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement contre l’autorisation environnementale relative à une nouvelle centrale thermique

En vertu de l’article L. 123-16 du code de l’environnement, auquel renvoie l’article L. 554-12 du code de justice administrative, la suspension d’une « décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête » est prononcée dès lors que la demande de suspension « comporte un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de [la décision] », sans qu’il soit nécessaire de démontrer que la condition d’urgence, normalement exigée pour prononcer la suspension d’une décision administrative (cf. art. L. 521-1 du code de justice administrative), est satisfaite. Toutefois, le Juge peut écarter une telle demande de suspension, même s’il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, « lorsque la suspension de l’exécution de cette décision porterait à l’intérêt général une atteinte d’une particulière gravité ».  

Au cas précis, le Juge des référés a considéré :

  • d’une part, qu’ « eu égard à l’intérêt général global » lié à « l’urgence écologique et climatique au nom de laquelle la politique énergétique nationale se donne pour objectifs, ainsi qu’il a été fixé par l’article L. 100-4 du code de l’énergie, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 », la suspension de l’autorisation ne porterait pas une atteinte d’une particulière gravité à « l’intérêt général attaché à la sécurité d’approvisionnement électrique de la Guyane » ; et
  • d’autre part, qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de l’autorisation délivrée au regard du moyen selon lequel « le projet est incompatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par la loi (…) ». Le Juge des référés estime, en effet, que « le projet tel qu’autorisé (…) ne peut toutefois, en l’état et compte tenu du taux d’émission [de gaz à effet de serre] annoncé, être regardé comme participant de manière suffisante à la trajectoire de réduction de ces émissions fixée par le décret susvisé du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour atteindre les objectifs de réduction fixés par l’article L. 100-4 du code de l’énergie de - 40 % en 2030 par rapport à leur niveau 1990 et de -37 % en 2030 par rapport à leur niveau de 2005 ».

    Pour statuer ainsi, le Juge des référés relève en particulier que, si l’Etat et EDF ont fait valoir que la centrale fonctionnerait dès 2024 avec de la biomasse liquide et bénéficierait ainsi d’un bilan carbone neutre, aucun élément de preuve permettant de considérer comme certaine une telle évolution n’était apporté.

Bien que cette ordonnance fasse l’objet d’un pourvoi et que le décret n° 2021-1126 du 27 août 2021 – qui a modifié la programmation pluriannuelle de l’énergie en Guyane – ait prévu expressément que la centrale fonctionnerait aux bioliquides, elle pourrait obliger les producteurs d’énergie à justifier que leurs projets sont compatibles avec l’objectif de réduction des gaz à effet de serre fixé par l’article L. 100-4 du code de l’énergie.

On rappellera d’ailleurs que le Conseil d’Etat a récemment annulé le refus implicite de l’Etat de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre en vue d’assurer sa compatibilité avec les objectifs fixés par l’article L. 100-4 du code de l’énergie et enjoint au Premier ministre de prendre de telles mesures (CE, 1er juill. 2021, Commune de Grande Synthe, n° 427301).

Régulation

10. Le Conseil d’Etat juge que les vices de forme et de procédure ne peuvent pas être utilement invoqués dans le cadre d’un recours dirigé contre le refus d’abroger un acte de droit souple (CE, 7 juill. 2021, M. E et autres, n° 438712).

Le Conseil d’Etat admet depuis 2016 que les actes dits de « droit souple » (c’est-à-dire « les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies ») soient contestés par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE, Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta, n° 368082).

Le Conseil d’Etat a par la suite étendu sa jurisprudence en la matière à plusieurs autorités de régulation mais n’avait jamais encore statué dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision refusant l’abrogation d’un tel acte ; le refus de la Haute Autorité de Santé d’abroger une recommandation de bonne pratique lui en a fourni l’occasion.

Le Conseil d’Etat juge à ce titre que « Si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus d'abroger une recommandation de bonne pratique de la Haute autorité de santé, la légalité du contenu de cette recommandation, la compétence de la Haute autorité et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de la recommandation, les vices de forme et de procédure dont elle serait entachée ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la recommandation elle-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux ».

Le Conseil d’Etat transpose ainsi aux actes de droit souple sa jurisprudence en matière de refus d’abrogation d’un règlement (CE, Ass., 18 mai 2018, CFDT Finances, n° 414583).