La réforme de la procédure de rachat de titres de créance


September.08.2010

Le caractère inadapté du droit français en matière de rachat de titres de créance a conduit à une large désaffection chez les émetteurs pour ce type d'opération dans un contexte pourtant favorable à la gestion active de leur dette.

Dans le cadre du renforcement de l'attractivité de la place de Paris en matière obligataire, l'AMF a lancé une consultation en vue de l'assouplissement des modalités de rachat de titres de créance ne donnant pas accès au capital. Les conclusions de cette consultation ont abouti à la modification du Livre II du Règlement Général de l'AMF, rendue publique le 30 août 2010.

En parallèle, le Haut comité de place (instance consultative mise en place par la Direction Générale du trésor pour améliorer l'attractivité de la place financière de Paris) a proposé d'offrir aux émetteurs, en l'encadrant de façon adéquate, la faculté de racheter sans les annuler leurs obligations.

1) Rappel des procédures de rachat antérieures

Sous l'empire du droit antérieur, la procédure de rachat prenait (i) soit la forme d'une offre publique régie par les articles 238-1 et suivants du règlement général AMF, (ii) soit la forme d'une procédure dite de désintéressement, plus souple, issue d'une position de l'AMF du 11 juin 2007

i. L'offre publique de rachat

L'offre publique de rachat de titres de créances était fortement inspirée de l'offre publique d'acquisition. Ainsi, elle empruntait la lourdeur des OPA avec le dépôt d'une note d'information auprès de l'AMF, allant même jusqu'à imposer que le projet de note d'information de l'initiateur contienne une présentation sur la conformité du prix ou de la parité proposés avec les conditions de marché (AMF, RG, art. 238-8, 4°) ainsi que l'avis d'un expert indépendant sur le caractère acceptable du prix ou de la parité proposés. La complexité de la procédure était donc lourde par rapport à la simplicité de l'opération projetée.

ii. La procédure de désintéressement

La procédure de désintéressement était une procédure dérogatoire à l'offre publique de rachat, possible pour un rachat ne dépassant pas 30% d'une ligne obligataire ou au-delà, si l'emprunt avait été initialement placé auprès d'investisseurs qualifiés ou dans le cas contraire, sauf à ce que la part de l'emprunt placée dans le public soit suffisamment limitée pour que l'AMF autorise le recours à la procédure de désintéressement.

Cette procédure n'apportait pas non plus entière satisfaction car elle reposait sur une base juridique fragile (AMF, rapp. annuel 2004, p. 103 à lire conjointement avec une position du 11 juin 2007) et ne garantissait pas la transparence et l'égalité des investisseurs, l'émetteur n'étant astreint à aucune obligation déclarative.

2) Description du régime actuel des rachats de titres de créances ne donnant pas accès au capital

L'AMF a remplacé le régime d'offre publique portant sur des titres de créance ne donnant pas accès au capital par une procédure simplifiée d'acquisition ordonnée dont la mise en œuvre est laissée à l'appréciation de l'émetteur et dont les modalités sont assouplies (articles 238-1 à 238-5 nouveaux du Règlement Général de l'AMF).

i. La procédure simplifiée d'acquisition

La procédure simplifiée d'acquisition consiste en la mise en place, à l'initiative de l'émetteur, de son mandataire ou d'un tiers, d'un dispositif centralisé lui permettant d'offrir à l'ensemble des porteurs d'un même emprunt obligataire la faculté de céder ou d'échanger tout ou partie des titres de créance qu'ils détiennent à hauteur du montant déterminé dans l'offre. Cette procédure accroit l'égalité de traitement des porteurs car elle permet de proposer une offre de rachat à tous les porteurs des titres de créance concernés à des conditions identiques pour une même ligne d'émission, les rachats s'opérant au prorata de leur participation.

Lorsque les titres ont fait l'objet d'une offre au public à l'origine lors de leur émission, le projet d'acquisition ordonnée de titres de créance donne lieu à un communiqué diffusé selon les modalités de diffusion effective et intégrale de l'information réglementée au plus tard le jour de l'ouverture de la procédure d'acquisition.

Ce communiqué doit notamment mentionner :

Bien que la réforme ait pour objet de simplifier la documentation requise pour ce type d'opérations de rachat, la nature et la forme du contrôle que l'AMF exercera sur le contenu du communiqué reste encore à définir.

Ce communiqué n'est pas requis lorsque les titres objet du rachat n'ont pas fait l'objet d'une offre au public lors de leur émission.

Le nouveau régime mis en place par l'AMF ne prévoit pas de délai à l'intérieur duquel cette procédure d'acquisition ordonnée est censée s'inscrire, ni même de règles spécifiques encadrant les interventions de l'émetteur.

Il faudra donc attendre les premières opérations de rachat et l'émergence d'une pratique et d'une doctrine AMF pour que soit précisé l'ensemble de ces points.

La procédure d'acquisition ordonnée n'interdit pas l'acquisition de blocs réalisée hors marché à laquelle la procédure décrite ci-dessus ne s'applique pas.

ii. Obligation d'information a posteriori du marché à la charge de l'émetteur lors de la phase d'acquisition

Une disposition nouvelle visant à informer le marché des rachats de titres effectués par l'émetteur est prévue dans le règlement général dès lors qu'un émetteur a acquis sur le marché ou hors marché, en une ou plusieurs fois, plus de 10% de titres représentant un même emprunt obligataire.

Cette nouvelle obligation d'information a posteriori du marché a pour objet d'assurer l'intégrité et la transparence du marché en évitant la complexité des procédures d'OPA.

Elle s'effectue selon les modalités de diffusion de l'information réglementée et doit intervenir dans un délai de quatre jours de négociation.

Tout rachat en une ou plusieurs fois portant sur chaque tranche supplémentaire de 10 % du même emprunt fait l'objet de la même information.

Le seuil de 10 % est calculé sur la base du nombre de titres émis, en tenant compte des éventuelles émissions successives conférant des droits identiques aux porteurs, l'article 238-2 nouveau du règlement général de l'AMF visant ici la technique de l'assimilation.

3) Le régime des rachats de titres de créances donnant accès au capital reste inchangé

Le régime des rachats de titres complexes reste celui qui gouvernait les titres de créances ne donnant pas accès au capital avant la réforme décrite ci-dessus. Les pages 103 et 104 du rapport annuel 2004 de l'AMF restent donc le texte de référence pour ce type d'opérations.

Afin d'assurer une liquidité suffisante au marché du titre faisant l'objet de rachats par blocs et à garantir l'égalité de traitement entre les porteurs d'obligations, l'AMF a fixé à 30% de l'émission globale originale le seuil au-delà duquel une offre publique de rachat devient obligatoire pour l'émetteur ou tout vendeur potentiel de blocs. Entre 20% et 30% le régulateur se réserve la possibilité d'apprécier les circonstances de l'opération et en particulier la liquidité de la ligne visée pour imposer ou non une offre publique de rachat.

Lorsque qu'une offre publique de rachat est imposée, l'émetteur doit alors se porter systématiquement contrepartie à l'achat de toutes les obligations pendant une période de 5 jours de bourse. La même procédure est de nouveau appliquée dès lors que le nombre cumulé d'obligations rachetées via des blocs, depuis le précédent désintéressement du marché, représente 10% du nombre d'obligations initialement émises, et ce à un prix correspondant au prix le plus élevé payé par l'émetteur sur l'un des blocs acquis au cours des douze mois qui précédent le rachat de blocs.

4) Synthèse de la proposition du Haut comité de place visant à permettre le rachat sans annulation des obligations

Aux termes de l'article L.228-74 du code de commerce1, un émetteur ne peut racheter ses obligations que pour les annuler. Cette disposition découle notamment de la règle posée à l'article 1300 du code civil qui dispose que « lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances ».

Cette prohibition empêche cependant les émetteurs de gérer de façon optimale leur trésorerie et leur passif en plaçant ou replaçant les titres auto-détenus. Afin d'améliorer la liquidité sur le marché obligataire et de mettre fin à une exception française qui nuit à l'attractivité de la place financière de Paris par rapport aux autres grandes places financières européennes, il est doncenvisagé d'ajouter un alinéa 2 à l'article L.228-74 du Code de commerce qui disposerait que « par dérogation à l'article 1300 du Code civil et au premier alinéa, une société émettrice admise aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation peut acquérir ou détenir des obligations qu'elle a émises si ces obligations ne donnent pas accès à son capital ».

Il convient de noter que cette possibilité ne viserait que les obligations n'étant pas susceptibles de donner accès au capital de l'émetteur. De plus, seuls les émetteurs admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé seraient concernés par cette disposition.

Le Haut comité de place prévoit néanmoins l'encadrement de cette faculté d'auto-détention en imposant des règles de transparence et en instaurant un régime des titres auto-détenus inspiré de celui encadrant le rachat d'actions aux fins de gestion financière du capital. Il est ainsi proposé de prévoir à la charge de l'émetteur l'obligation d'informer l'AMF et le marché des objectifs de toute acquisition ou détention de plus de 10% d'une même ligne d'émission. De plus, il est proposé d'instaurer un plafond d'auto-détention fixé à 10% pour une même ligne d'émission et/ou de limiter la durée pendant laquelle la société émettrice pourra détenir ses obligations sans les annuler, cette durée restant toutefois à définir.

 


 

1Article L.228-74 du code de commerce : « Les obligations rachetées par la société émettrice, ainsi que les obligations sorties au tirage et remboursées, sont annulées et ne peuvent être remises en circulation. »