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Chronique d'actualité n°12
de droit public des affaires


Par François Lichère

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1/ Contrats publics

  • La méconnaissance des règles de passation d'un contrat et la présence une disposition contractuelle prévoyant une date de début d'exécution d'un marché antérieure à sa conclusion n’obligent pas systématiquement le juge du contrat à prononcer sa nullité (CE 12 janvier 2011, M. Manoukian, req. 338551 et CE 12 janvier 2011, Société Léon Grosse, req. 334320).
    Dans ces deux espèces, le Conseil d’Etat réaffirme le considérant de principe de la jurisprudence Ville de Béziers (CE 28 déc. 2009, req. n° 304802) à propos de l’exception d’illégalité du contrat soulevé lors de deux litiges nés de l’exécution du contrat, tout en y ajoutant toutefois la nécessité de prendre en compte « les circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise » afin de déterminer si le juge doit prononcer la nullité. De la première espèce il résulte que, par principe, la méconnaissance des règles de passation n’entraîne pas la nullité : « lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ». Ceci s’explique par le fait que les règles de passation n’affectent pas le consentement des parties et aussi parce qu’il existe de nombreux autres moyens contentieux pour faire sanctionner l’irrégularité de la procédure de passation. Toutefois, le Conseil d’Etat ajoute que « par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ». En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait annulé le contrat au motif du non respect d’un seuil de passation et le CE annule son arrêt. On ne peut toutefois en déduire que l’irrégularité en question n’est pas d’une gravite telle qu’elle ne pouvait, eu égard aux circonstances, entraîner la nullité du contrat : le CE n’annule l’arrêt de la CAA que parce que celle-ci avait prononcé la nullité en quelque sorte de manière automatique, sans se prononcer sur la gravité de l’illégalité. On peut toutefois déduire des conclusions du rapporteur public que ce pourrait être le cas d’une absence totale de publicité si, par ailleurs, les circonstances de l’achat renforcaient la gravité de l’infraction (objet, montant, caractéristiques de la concurrence, importance de la collectivité publique et de son cocontractant).
    Dans la deuxième espèce en revanche, le juge découvre une illégalité qui, en principe, doit entraîner la nullité du contrat : une disposition contractuelle qui prévoit une date de début d’exécution d’un marché antérieure à sa conclusion entraîne normalement la nullité du contrat. Cette solution peut se prévaloir, non pas de l’illégalité de la rétroactivité d’un contrat (car une telle rétroactivité est possible, CE Sect. 19 nov. 1999, Fédération syndicale Force ouvrière des travailleurs des Postes et télécommunications), mais de la volonté de sanctionner des marchés de régularisation. En l’espèce, tel n’était pas le cas dans la mesure où la stipulation était contraire à une clause de l’acte d’engagement qui prévoyait une date de début d’exécution à compter de la notification et que l’acte d’engagement avait une valeur contractuelle supérieure au document contenant la stipulation litigieuse.
    Ces solutions sont à mettre en parallèle avec un arrêt du même jour (Société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France, req. 332136) qui applique les principes de la jurisprudence Ville de Béziers à un contrat administratif passé entre deux personnes privées et qui juge que les irrégularités, « eu égard à leur nature et aux circonstances dans lesquelles elles auraient été commises (…) tirées soit de l'inapplication par elle-même des dispositions du code des marchés publics, des dispositions du décret du 26 mars 1993 relatif aux contrats visés au I de l'article 48 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, de prescriptions du droit communautaire au contenu équivalent ou de principes généraux relatifs à la présentation des candidatures à l'attribution du marché, soit de manquements de sa part au principe d'égalité entre les candidats au cours de la consultation, ne saurait être regardée comme un vice d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat ».
    Enfin, le CE a eu l’occasion de réitérer la solution de l’arrêt Ville de Béziers, s’agissant du vice de la signature du contrat avant transmission de la délibération autorisant la signature et à propos d’une délégation de service public, tout en jugeant également que n’étaient pas graves l'absence de publication ou de notification de la délibération autorisant la signature du contrat, le fait que le mode de rémunération du contrat conclu imposait qu'il soit soumis aux règles du Code des marchés publics du fait d'une clause garantissant la couverture des déficits d'exploitation. L’argument utilisé sur ce dernier point ne laisse pas d’interroger dans la mesure où le Conseil d’Etat estime que la subvention d’équilibre n’avait pas été mise en œuvre et que par conséquent le contrat ne pouvait être requalifié en marché public alors que l’on aurait pu estimer que la nature d’un contrat ne devrait pas dépendre de la mise en œuvre d’une clause. Au passage, le Conseil d’Etat juge non conventionnelle une loi de validation pour atteinte au droit à un procès équitable au profit de personnes publiques (CE 10 novembre 2010, Commune de Palavas les flots, req. 314449).
  • Une personne publique délégant un service public peut accepter une offre incomplète sous conditions (CE 5 janvier 2011, Société voyages Dupas Lebeda, req. 342158).
    Dans le cadre d’une délégation de service public, dont on sait que la négociation est de droit, le Conseil d’Etat admet ici que la personne publique puisse accepter une offre qui ne comporte pas tous les documents requis par le règlement de consultation avant d’entrer en négociation, mais sous conditions : en effet, « l'autorité habilitée à signer la convention de [DSP] ne peut [...] engager de négociation avec un opérateur économique dont l'offre n'est pas accompagnée de tous ces documents ou renseignements que si cette insuffisance, d'une part, ne fait pas obstacle à ce que soit appréciée la conformité de l'offre aux exigences du cahier des charges et, d'autre part, n'est pas susceptible d'avoir une influence sur la comparaison entre les offres et le choix des candidats qui seront admis à participer à la négociation ». Une solution un peu sévère au regard de la jurisprudence passée (voir CE 14 mars 2003, Société Air lib., req. 251610) et qui tend à rapprocher les délégations de service public des marchés publics en ce que le code des marchés publics interdit de rattraper les offres inappropriées (cf. article 66-V, 2e alinéa) mais permet, a contrario, au pouvoir adjudicateur de négocier avec les entreprises qui ont déposé des offres irrégulières ou inacceptables.
  • La décision de transformer une convention d’occupation du domaine public en délégation de service public constitue un motif d’intérêt général suffisant à justifier la résiliation de la convention d’occupation domaniale (CE 19 janvier 2011, Commune de Limoges, req. 323924).
    En l’espèce, était en cause une convention d’occupation du domaine en vue de l’exploitation d’un hôtel-restaurant dans l’enceinte du golf municipal. Alors que le Conseil d’Etat confirme qu’il ne pouvait y avoir en l’espèce résiliation pour faute, il adopte une solution différente de la Cour administrative d’appel sur la résiliation pour motif d’intérêt général. Il juge en effet que la Commune avait clairement manifesté son intention de transformer la gestion de l’hôtel restaurant en activité de service public en prévoyant des obligations de service public « tenant notamment aux horaires et jours d'ouverture de l'établissement ». L’affaire est néanmoins renvoyée devant la Cour pour l’évaluation du préjudice, étant entendu que le Conseil rappelle que la société ne saurait être indemnisée du préjudice lié à la perte d’un fond de commerce, un tel fond de commerce ne pouvant exister sur le domaine public.
    En outre, et de manière quelque peu surprenante, le Conseil d’Etat juge que la société titulaire du contrat d’occupation n’a pas qualité lui donnant intérêt à agir à contester la délibération se prononçant sur le principe de la délégation.
  • Le bouleversement de l’économie d’un contrat s’apprécie au regard de l’ensemble d’un marché unique et non du seul lot technique concerné par des avenants (CE 10 janvier 2011, SARL entreprise Mateos, req. 316783).
    L'entreprise en question s'était vu confier un lot d'un marché de mise en conformité d'un bâtiment à la réglementation sur les incendies puis par quatre avenants successifs le montant de ce lot avait quasiment quintuplé. Après réclamation, l'entreprise a alors formé un recours tendant à voir reconnu son préjudice né du bouleversement de l'économie du contrat, lequel est rejeté du fait de l’absence d’un tel bouleversement au regard de l’ensemble du montant du marché (augmentation de 13 %).
    La solution peut s’expliquer par le fait qu’il s’agissait d’un marché unique confié à un groupement d’entreprise et qu’une des sociétés de ce groupement s’était vue confier un lot « technique » de ce marché unique. Il est probable qu’il en eut allé autrement s’il s’agissait d’un marché alloti puisqu’en ce cas on considère généralement que chaque lot donne lieu à un marché à part entière.
  • La LOPPSI II (loi du 14 mars 2011 – article 96) prolonge la possibilité de conclure un bail emphytéotique administratif (BEA) pour les besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales jusqu'au 31 décembre 2013 et les soumet, au-delà d'un certain seuil, à une évaluation préalable. En outre, les conseils généraux peuvvent en faire de même pour les services d’incendie et de secours. Enfin, tous les BEA devront être précédés, « le cas échéant », de mesures de publicité et de mise en concurrence, dont les modalités seront précisées par décret en Conseil d'Etat.
    « Le cas échéant » doit sans doute viser uniquement les BEA dits allers retours ou avec convention de mise à disposition et très probablement le BEA de gestion ou valorisation créé par la loi du 12 juillet 2010.
    Les deux premiers points visent à prolonger temporairement la possibilité de conclure des BEA pour des besoins qui ne sont pas directement ceux de la collectivité propriétaire du terrain.
  • Dans le cadre des marchés de l'annexe II B de la directive 2004/18/CE, la pondération des critères peut être annoncée après la date de présentation des offres mais ne peut être modifiée après l'examen initial de ces offres (CJUE 18 nov. 2010, Commission c/ Irlande, aff. C-226/09).
    Même si, pour le Cour de justice, il importe peu que cette illégalité n’ait pas modifié l’appréciation des offres, on doit considérer que cette solution n’est pas transposable à la France dans la mesure où le Conseil d’Etat va plus loin en imposant la transparence des critères de choix dans les MAPA, ce que sont les marchés de service de l’article 30 du code des marchés publics qui correspondent aux marchés de service de l’annexe II.B.

2/ Aides publiques

  • La participation au capital d’une SEM sous forme de prime d’émission est constitutive d’une aide illégale (CE 10 nov. 2010, Communauté de communes du nord du bassin de Thau, req. n° 313590).
    A l’occasion d’une opération sur le capital dite « coup d’accordéon », la personne publique a versé à la SEM une prime d'émission qui représente normalement la différence entre la valeur réelle de l'action et sa valeur nominale. En l’espèce, cette prime d'émission représentait plutôt une forme déguisée d'apport de fonds. En matière de participation au capital, le Conseil d’Etat avait déjà procédé à une annulation pour cause d’erreur manifeste d’appréciation eu égard d’une part, à la situation financière de la SEM et d’autre part à la capacité financière de la personne publique (CE 17 janv. 1994, Préfet du département des Alpes-de-Haute-Provence c/ Commune d'Allos, req. n° 133837). C’est d’ailleurs parce que la Cour administrative d’appel n’avait pas tenu compte de la capacité financière de la personne publique que le Conseil d’Etat annule son arrêt. Mais il prononce quand même la nullité de l’aide au motif qu’elle n’entre pas dans les cas permettant de déroger au droit des aides locales aux entreprises tels que prévus par la loi du 2 mars 1982 modifiée, y compris ceux introduits par la loi du 2 janvier 2002 et repris par la loi du 13 aout 2004 relatifs aux avances.
  • Le caractère définitif d'une décision juridictionnelle peut faire échec à la récupération d'une aide d’Etat incompatible avec le droit de l’Union européenne (CJUE 22 déc. 2010, Commission c/ République slovaque, aff. C-507/08).
    Une telle solution ne s’explique que parce que la décision juridictionnelle dotée de la force de chose jugée dont se prévaut la République slovaque est antérieure à la décision par laquelle la Commission a imposé la récupération de l’aide litigieuse, contrairement à l’affaire Lucchini (CJCE, 18 juillet 2007, Lucchini, C-119/05). Et cette situation n’empêche pas la république slovaque d’être condamnée pour manquement.
     

3/ Droit public de la concurrence

  • La validation législative des autorisations d’équipement commercial en tant qu'elles seraient contestées eu égard au caractère non nominatif de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) ne soulève pas de questions sérieuses de constitutionnalité (CE 26 janvier 2011, SAS Auxa, req. 344204).
    La loi du 4 aout 2008 a été adoptée après l'arrêt Société Leroy-Merlin (CE 16 janv. 2008. req. n° 296528,) qui avait jugé illégaux les arrêtés préfectoraux ne permettant pas de connaître l'identité des membres des CDEC. Le Conseil d’Etat juge qu’il n’y a pas lieu à renvoyer la question de la constitutionnalité de la loi au Conseil constitutionnel. Cette solution paraît fort logique dès lors que le Conseil d’Etat avait déjà jugé que cette validation législative était justifiée par un impérieux motif d'intérêt général et qu’elle ne méconnaissait donc pas le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CE 18 nov. 2009, Société Etablissements Pierre Fabre, req. n° 307862). Or l’on sait que le contrôle de conventionalité est, dans ce domaine, au moins aussi exigeant que le contrôle de constitutionnalité.
  • La loi du 16 décembre 2010 permet la conclusion, entre collectivités et entre structures intercommunales, de conventions « ayant pour objet la réalisation de prestations de services » et qui dans certains cas sont exclues du champ d'application du droit de la commande publique.
    Cette exclusion ne s’applique que « lorsque les prestations qu'elles réalisent portent sur des services non économiques d'intérêt général au sens du droit de l'Union européenne (…). La participation au financement d'une prestation ne saurait, à elle seule, être assimilée à une coopération au sens du présent alinéa ».  Une solution dépassant le simple cadre de la mutualisation des services (déjà existante mais modifiée par la même loi, cf. article L 5111-1-1 du CGCT) et destinée à contrecarrer toutes velléités contraires, en particulier à l’initiative de la Commission de Bruxelles. Elle peut s’appuyer sur une jurisprudence récente de la CJUE, intervenue il est vrai dans un autre contexte (CJCE 9 juin 2009, Commission c/ RFA).
  • Le principe de liberté d'établissement s'oppose d’une part à une réglementation qui subordonne l'autorisation d'exploiter une ligne urbaine de transport public à la condition que l'entreprise sollicitant cette autorisation dispose d'un siège ou d'un établissement sur le territoire de cet Etat membre avant l’octroi de l’autorisation, et d’autre part à la condition que cette autorisation ne compromette pas la rentabilité de l'entreprise déjà titulaire de la concession de cette ligne (CJUE 22 déc. 2010, Yellow Cab Verkehrsbetriebs GmbH, aff. C-338/09).

4/ Biens et travaux publics

  • Un contrat ayant pour objet la pose d'un réseau de fibres optiques le long d'une autoroute a le caractère d’un marché de travaux publics bien que passé entre deux personnes privées (CE 12 janvier 2011, Société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France, req. 332136).
    Le fait qu’un contrat passé entre deux personnes privées puisse être administratif est loin d’être nouveau et, en l’espèce, on retrouve une des hypothèses (la première historiquement) pour lesquelles le juge estime qu’une personne privée agit « pour le compte d’une personne publique » : la construction des routes appartenant par nature à l’Etat, le tribunal des conflits avait jugé dès 1963 que les litiges relatifs à des contrats passés entre personnes privées ayant pour objet de tels travaux relèvent du juge administratif (TC 8 juillet 1963, Société entreprise Peyrot). Mais le juge avait refusé d’appliquer cette jurisprudence à la construction d’un bâtiment abritant les bureaux de la société concessionnaire (CE 9 févier 1994, Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône). L’originalité de l’arrêt commenté est d’étendre cette hypothèse à la pose d’un réseau de fibres optiques dont on pouvait avoir a priori du mal à y voir la construction d’une route nationale. Mais le Conseil d’Etat étend la solution en raison du fait que « les travaux ainsi exécutés avaient pour finalité la réalisation d'un réseau de fibres intégré à l'ouvrage principal ». Un exemple intéressant de l’extension de la notion de travaux publics routiers sans recours à la théorie de l’accessoire, laquelle pouvait difficilement trouver à s’appliquer ici mais par référence à « l’intégration » dans l’ouvrage public (pour une application de l’accessoire dans le domaine autoroutier, voir TC 4 novembre 1996 Espinosa c/ Escota, à propos de travaux d’insonorisation d’un immeuble privé en raison de la proximité de l’autoroute).
  • La responsabilité décennale ne peut être engagée pour non-conformité à une réglementation entrée en vigueur après l’achèvement des travaux (CE 19 janvier 2011, Commune de Gueugnon, req. 322638).
    La solution peut paraître évidente, elle ne l’était pas tant dans la mesure où la passerelle en question, qui n’avait pas aménagé un accès handicapé, n’avait pas encore fait l’objet d’une réception définitive au moment de la nouvelle réglementation.
  • L’indemnisation du seul préjudice matériel en cas d’expropriation n’est pas inconstitutionnelle (CC 21 janvier 2011 n° 2010-87-QPC).
    En conséquence, la douleur morale éprouvée par le propriétaire pour la perte de son bien n’a pas à être indemnisée. En revanche, « le caractère intégral de la réparation matérielle implique que l'indemnisation prenne en compte non seulement la valeur vénale du bien exproprié mais aussi les conséquences matérielles dommageables qui sont en relation directe avec l'expropriation ».

4/ Urbanisme et environnement

  • Il n’y a pas lieu de suspendre le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil (CE 28 janvier 2011, Société Ciel et Terre, req. 344973).
    Pour le juge du référé du Conseil d’Etat, ce n’est pas tant l’absence d’urgence que l’intérêt public qui justifie le rejet du référé suspension car « si le décret contesté est susceptible d'entraîner pour les entreprises concernées par la suspension un préjudice économique, pouvant revêtir pour certaines un caractère de gravité, ce préjudice doit être mis en balance avec l'intérêt public qui s'attache au réexamen d'un système incitatif dont les effets, dans son équilibre actuel, risquent de soumettre les consommateurs d'électricité à des prélèvements compensatoires en forte hausse ». Il ajoute, de manière inédite s’agissant d’un référé suspension, « qu'il convient également de prendre en compte les risques que ferait courir aux auteurs de projets d'installations solaires une suspension du décret en référé, dans l'hypothèse d'un rejet ultérieur de leurs recours au fond ». Autrement dit, le référé suspension est également rejeté car la décision au fond qui serait éventuellement contraire à la suspension pourrait entraîner un préjudice trop important pour les requérants, dans la mesure où ceux-ci auraient alors probablement investis dans l’attente du jugement au fond. Une solution originale dans la mesure où en principe le juge du référé refuse de prendre en considération les effets du futur jugement au fond pour apprécier l’urgence à suspendre. Cette solution est néanmoins surprenant car on pourrait attendre des investisseurs qu’ils fassent preuve de prudence dans l’hypothèse d’une simple suspension dans l’attente du jugement au fond.
  • La loi du 12 juillet 2010, validant rétroactivement les dispositions de l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil et qualifiant les contrats d’achats de contrats administratifs, ne présente pas d’inconstitutionnalité sérieuse justifiant un renvoi au Conseil constitutionnel (CE 19 janvier 2011, EARL SCHMITTSEPPEL, req. 343389).
    Pour le Conseil d’Etat, « à supposer même que les arrêtés du 12 janvier 2010 aient porté atteinte à l'économie de contrats légalement conclus, les dispositions du IV de l'article 88 répondent à un but d'intérêt général suffisant ; qu'elles ne valident les arrêtés mentionnés ci-dessus qu'en tant qu'ils seraient contestés sur le fondement de moyens tirés, d'une part, d'une irrégularité de consultation, d'autre part, de l'application immédiate des nouvelles règles tarifaires à des demandes de contrat d'achat déjà formulées ; qu'elles réservent expressément les décisions passées en force de chose jugée ; qu'aucune pénalité rétroactive ne peut se fonder sur elles ».
    Au passage, la loi qualifie les contrats d’achats d’électricité de contrats administratifs, nature qu’ils avaient perdue du fait de la privatisation d’EDF, et ajoute ainsi un cas de contrats administratifs entre personnes privées par détermination de la loi après le décret-loi du 17 juin 1938 s’agissant des conventions d’occupation du domaine public passées par les concessionnaires de service public et l’ordonnance du 15 juillet 2009 s’agissant de contrats de concession passés par des autorités concédantes de droit privé (personnes privées soumises à l’ordonnance du 6 juin 2005).
  • La notion de dépenses pouvant être mises à la charge des constructeurs dans le cadre d’une ZAC s’entend très largement (CE 23 décembre 2010, Société d’équipement du Biterrois et de son littoral, req. n°307124).
    On sait que l’obligation de mettre à la charge des constructeurs le coût réel des équipements publics induits par une ZAC peut prendre la forme, par dérogation au régime normal de financement des équipements publics, d’une prise en charge des équipements publics en contre partie d’une exonération de la taxe locale d’équipement. Le contentieux peut se nouer quant à l’interprétation à donner des équipements publics que le constructeur doit prendre à sa charge (CGI, article 1585, C, 1°).
    Le Conseil d’Etat confirme ici qu’il entend adopter une conception assez large des dépenses qui peuvent être mises à la charge des constructeurs (cf. CE 11 décembre 1996, Commune de Fabrègues, n°150175), même s’il ne va pas aussi loin que l’auraient espéré les aménageurs qui auraient aimé faire peser davantage de dépenses sur les épaules des constructeurs. Certes, les dépenses qui n’ont pas été exposées pour la construction des équipements publics « destinés aux habitants ou usagers des constructions » de cette zone y échappent. Mais dans l’application de cette restriction, le Conseil d’Etat, comme la cour administrative d’appel mais contrairement au tribunal administratif et au rapporteur public près le Conseil d’Etat dans ses conclusions sur cette affaire, admet que les coûts d’études générales pré-opérationnelles, les frais financiers, les frais de commercialisation et les frais généraux de la société chargée de la réalisation de la ZAC peuvent faire parti des dépenses à la charge des constructeurs pour autant qu’elles sont « exposées spécifiquement pour la construction des équipements publics destinés aux usagers de la zone ». Il reste, pour les aménageurs, à apporter la preuve que ces dépenses ont été exposées spécifiquement par le constructeur.
  • Le refus de raccorder au réseau d’eau potable deux habitations irrégulières mais servant de domicile à une famille, constitue une ingérence de l’autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale et ne peut être justifiée que par sa proportionnalité à l’objectif légitime poursuivi (CE 15 décembre 2010, Mme Bayer, req. n° 323250).
    L’arrêt posait au préalable la question de la compétence du maire : ce dernier n’étant compétent que pour refuser un branchement définitif, bon nombre de demandes ne concernent que des branchements provisoires. Dès lors, le maire va généralement soit requalifier la demande en demande définitive, et le juge doit alors apprécier si cette requalification est bien fondée, soit refuser explicitement ou implicitement cette demande. Alors que le juge aurait pu annuler le refus pour vice d’incompétence si la requérante avait contesté le caractère définitif du branchement qualifié comme tel par le tribunal administratif (CE 12 décembre 2003 M. Cancy, req. 257794), il annule pour un tout autre motif tiré de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Au terme de l’article 8 § 2 de la CEDH, « « il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » Or la Cour de Strasbourg procède de la manière suivante : elle identifie d’abord une éventuelle ingérence de l’autorité publique dans les droits garantis par l’article 8, puis, en cas d’ingérence, elle vérifie si ses motifs sont pertinents et suffisants pour justifier l’atteinte, c’est-à-dire elle se prononce la proportionnalité de la mesure. En l’espèce, le Conseil d’Etat sanctionne la Cour administrative d’appel d’avoir jugé qu’il n’y avait pas ingérence et lui renvoie la question de savoir si l’atteinte est disproportionnée.
    Un arrêt qui ouvre des perspectives intéressantes d’utilisation de la CEDH afin de contrer des dispositions, y compris législatives, qui visent à protéger les propriétaires privés ou publics.
  • Le législateur n’a pas commis d’incompétence négative susceptible de porter atteinte à la libre administration des collectivités locales en laissant, par l’article L 121-9 du code de l’urbanisme, le soin au pouvoir réglementaire de déterminer les conditions relatives aux dispositions générales communes aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et aux cartes communales (CC, 28 janvier 2011, n° 2010-95-QPC).
    Une solution qui n’allait pas de soit s’agissant des dispositions permettant de déterminer la nature des projets d'intérêt général et d'arrêter la liste des opérations d'intérêt national, procédures qui permettent d'imposer aux collectivités territoriales une modification des documents d'urbanisme ou de limiter leurs compétences.
  • L'article 12 de loi du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne impose de tenir compte des incidences énergétiques et environnementales des véhicules sur toute sa durée de vie achetés par les personnes auxquelles ont été confiées, de manière unilatérale ou contractuelle, la gestion et l'exploitation d'un service public de transport de personnes.