2 FÉVRIER 2011 |
Par François Lichère
Orrick Rambaud Martel |
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Chronique d'actualité n°11 de droit public
des affaires
Octobre-novembre-décembre 2010
Document Orrick Rambaud Martel
1/ Contrats publics
- Le Conseil d'Etat juge, d'une part, que la convention
d'exploitation du stade Jean Bouin n'est pas constitutive
d'une délégation de service public et que, d'autre part, les
conventions d'occupation du domaine public ne sont pas
soumises à une obligation de publicité et de mise en
concurrence (CE 3 décembre 2010, Ville de Paris c/
association Paris Tennis, req. N°338272).
Le
premier aspect de l'arrêt portait sur des qualifications
juridiques de fait, mais n'allait pas sans poser problème
car la CAA de Paris avait jugé le contraire en avril 2010 au
terme d'un arrêt particulièrement motivé. Le Conseil d'Etat,
tout en ne rejetant pas la théorie du service public virtuel
(selon laquelle une activité peut être de service public non
en elle-même mais en considération des conditions de son
exploitation), répond point par point à
l'argumentation : sur les conditions d'utilisation de
l'équipement, la seule mise à disposition d'équipements
sportifs au profit d'une équipe de rugby résidente ne
caractérise pas à elle seule une mission de SP, en dépit de
contraintes d'utilisation précisée par la convention
destinées à assurer une utilisation
« harmonieuse », et l'accueil d'un public scolaire
pour les terrains de tennis non plus dans la mesure où cela
ne figurait plus dans la convention elle-même mais dans une
annexe. En ce qui concerne les travaux à réaliser, le
cocontractant de la ville avait toute latitude en ce qui
concerne la nature et la programmation des investissements
et la redevance n'était nullement la contrepartie de ces
travaux. Enfin, le contrôle opéré sur les travaux ne visait
qu'à assurer la conservation du domaine et les autres
dispositions relatives aux contrôles ne caractérisaient
aucun droit de regard ou aucune volonté d'organisation d'un
service public.
L'arrêt est toutefois plus novateur sur le deuxième
aspect, alors même qu'il est ici beaucoup plus
succinct : pour le CE, « aucune disposition
législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposent à
une personne publique d'organiser une procédure de publicité
préalable à la délivrance d'une autorisation ou à la
passation d'un contrat d'occupation d'une dépendance du
domaine public, ayant dans l'un ou l'autre cas pour seul
objet l'occupation d'une telle dépendance ; il en va ainsi
même lorsque l'occupant de la dépendance domaniale est un
opérateur sur un marché concurrentiel ». Ce faisant, il
tranche un débat qu'avaient nourri à la fois la doctrine et
plusieurs tribunaux administratifs ayant pris position en
sens contraire. Autant il est permis d'approuver le Conseil
d'Etat sur le premier aspect, en particulier compte tenu de
l'enjeu pénal sous-jacent à l'affaire (le maire étant
poursuivi pour délit de favoritisme), autant peut-on penser
que le juge administratif a raté une occasion de devancer ce
qui pourrait résulter à terme de la jurisprudence européenne
au nom du principe de transparence, elle qui admet déjà
depuis 1985 que le principe de non discrimination s'applique
aussi pour les conventions d'occupation du domaine public
(CJCE 18 juin 1985, Steinhauser contre ville de Biarritz) et
ce qui semble relever du bon sens.
- Un nouveau BEA ouvert pour l'Etat et les chambres
consulaires pour la restauration, la réparation ou la mise
en valeur de leurs biens (article 11 de la loi n°2010-853 du
23 juillet 2010 et article L 2341-1 du CG3P).
On sait que le BEA a été créé par la loi du 5 janvier
1988 pour les collectivités territoriales. La loi du 17
février 2009 a ouvert le BEA à l'Etat mais uniquement dans
le domaine du logement social. Il est vrai que l'Etat et ses
établissements publics ont des possibilités plus ou moins
équivalentes avec les autorisations d'occupation du domaine
public assorties de droits réels depuis la loi du 25 juillet
1994 (aujourd'hui article L 2122-6 du CG3P). Mais ces
possibilités ne sont prévues que pour la construction
d'ouvrages immobiliers. C'est sans doute la raison pour
laquelle la loi du 23 juillet 2010 a prévu la possibilité de
BEA dans le domaine complémentaire de la restauration, de la
réparation ou de la mise en valeur des biens de l'Etat et
des chambres consulaires (mais pas des autres établissements
publics de l'Etat), en vue de la « valorisation du
patrimoine immobilier ». Néanmoins, cette loi pose au
moins deux problèmes. En premier lieu, quel est l'objet du
droit réel consenti au preneur ? Les travaux concernant
étant limités dans leur nature – puisqu'il n'y aura pas
construction – est-ce que tous les ouvrages sur lesquels
portent les travaux pourront faire l'objet d'un droit
réel ? C'est à l'évidence le cas s'agissant du bail
emphytéotique de droit privé : celui-ci n'implique pas
toujours une construction nouvelle mais simplement une
amélioration du bien mis à bail, ce qui peut prendre la
forme d'une rénovation. Il n'y a donc pas de problème pour
les biens du domaine privé des personnes publiques. Mais
qu'en est-il pour des biens qui pourraient faire parti du
domaine public ? Le législateur a pourtant prévu que le
bail peut porter sur le domaine public, en mettant en place
alors une limitation des possibilités d'hypothèques et de
cessions. Il s'agit donc d'une nouvelle entorse légale aux
principes de la domanialité publique, sans que l'on sache
quelle pourra être la marge de manœuvre des personnes
publiques dans la détermination des biens concernés par ce
droit réel. En deuxième lieu, le régime de passation de ce
bail n'est pas précisé. Autrement dit, aucune obligation de
publicité et de mise en concurrence ne s'impose. Or, et
contrairement au BEA des collectivités territoriales pour
lesquels la situation varie d'un projet à l'autre, il semble
que ce bail entend répondre toujours à des besoins de la
personne publique. Si tel devait être le cas, il faudrait
alors considérer que l'on est en présence d'un marché de
travaux au sens communautaire, et appliquer alors la
directive 2004/18 du 31 mars 2004.
-
Le principe de l'allotissement des marchés publics
s'applique aussi en considération de données purement
géographiques (CE 23 juillet 2010, Région Réunion, req.
338367). On sait que le code des marchés publics impose
l'allotissement par principe, et si les pouvoirs
adjudicateurs peuvent choisir librement le nombre de lots,
c'est « en tenant notamment compte des caractéristiques
techniques des prestations demandées, de la structure du
secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles
applicables à certaines professions ». Le Conseil
d'Etat illustre ici le « notamment » puisqu'à
propos d'un marché de gardiennage et de surveillance de
bâtiments administratifs, prestations non divisibles
fonctionnellement, il ajoute que l'allotissement s'imposait
en raison de la répartition et de l'éloignement géographique
des sites.
-
La décision de la commission d'appel d'offres n'est
pas créatrice de droit pour l'entreprise attributaire et
délie les engagements des entreprises rejetées (CE 31 mai
2010, Société Cassan, req. 315851).
De manière quelque peu surprenante, le Conseil d'Etat
n'avait jamais eu à se prononcer sur le premier point.
Contrairement à la CAA de Marseille, il juge que la décision
désignant l'attributaire du marché n'est pas créatrice de
droit, ce qui est en conformité avec toute la jurisprudence
refusant l'indemnisation de l'attributaire ayant engagé les
travaux avant la notification du marché dans la mesure où le
pouvoir adjudicateur peut toujours refuser de signer le
marché pour un motif d'intérêt général.
Sur le second point, la solution est originale car l'on
aurait pu considérer que l'offre des candidats était valable
pendant toute la durée de validité des offres, quand bien
même la décision de la CAO interviendrait, comme c'est
toujours le cas en pratique, avant la fin de la durée de
validité fixée par l'acte d'engagement. Or, le Conseil
d'Etat estime que une fois la décision de rejet prise,
l'entreprise est « déliée contractuellement » de
son offre. On remarquera la référence inédite au
« contractuellement » qui peut surprendre dans un
contexte où aucun contrat n'est encore signé. Quoiqu'il en
soit et en conséquence, en cas d'erreur quant au réel
attributaire, le pouvoir adjudicateur ne peut contraindre
l'entreprise qui a vu son offre rejetée ni d'exécuter le
marché ni de l'indemniser de la différence qui résulte du
choix d'une tierce entreprise. Il est à noter que cette
solution ne doit valoir qu'en cas d'erreur et non pour le
cas où l'attributaire ne serait pas en mesure de fournir les
attestations fiscales et sociales requises, dans la mesure
où dans ce dernier cas le Code des marchés publics prévoit
expressément que l'entreprise arrivée en second est alors
proclamée attributaire.
-
Un contrat d'occupation du domaine privé de l'Etat
est administratif en présence de clauses exorbitantes, ce
qui est le cas de clauses qui prévoient que la personne
publique dispose d'un pouvoir de contrôle direct de
l'ensemble des documents comptables du titulaire, qu'elle
peut exécuter des travaux sur la parcelle occupée sans que
le titulaire puisse réclamer une quelconque indemnité et que
le titulaire doit respecter les instructions des agents de
la personne publique (CE 19 novembre 2010, ONF, req.
331837).
-
Un candidat à une délégation de service public
divisée en lot n'a d'intérêt à demander l'annulation pour
excès de pouvoir que des actes détachables du contrat se
rapportant aux lots auxquels il a candidaté. En outre, la
décision de rejet de sa candidature n'a pas à être motivée,
ni en vertu de la loi Sapin du 29 janvier 1993 ni en vertu
de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des décisions
administratives (CE 24 novembre 2010, Commune de Ramatuelle,
req. 336264).
- Le maître d'ouvrage délégué mandataire
peut voir sa responsabilité engagée à l'égard du mandat en
cas d'erreur du maître d'œuvre dans l'établissement du
décompte général (CE 7 juin 2010, Commune de
Mantes-la-Jolie, req. 313638).
2/ Aides publiques
-
Les conditions de retrait des décisions créatrices
de droit illégales, fixées par la jurisprudence Ternon,
s'appliquent à l'octroi de subventions, que celles-ci
prennent la forme d'un acte unilatéral ou d'un contrat (CE
5 juill. 2010, Chambre de commerce et d'industrie de
l'Indre, req. n° 308615).
Le Conseil d'Etat estime que « l'attribution d'une
subvention par une personne publique crée des droits au
profit de son bénéficiaire ; que toutefois, de tels droits
ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de
la subvention respecte les conditions mises à son octroi,
que ces conditions découlent des normes qui la régissent,
qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa
décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une
convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles
découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même
de la subvention ». Sans nier le caractère contractuel
de l'acte en cause, il estime nécessaire d'assimiler ici
acte unilatéral et convention. Ce faisant, il rapproche un
peu plus le contentieux contractuel du contentieux de l'acte
unilatéral. Il s'appuie ensuite sur les conditions posées
par les normes en vigueur, par l'acte d'octroi, qu'il soit
unilatéral on contractuel et par les obligations qui
résulteraient implicitement de l'objet de la subvention pour
juger de la légalité de la subvention. En l'espèce, il
estime qu'il ne résultait pas clairement de la convention
que le versement de la subvention était conditionnée par le
respect d'une procédure d'appel d'offres dans le choix du
prestataire avec lequel la personne bénéficiaire entendait
mener à bien les opérations subventionnées.
-
La prémisse selon laquelle « l'argent doit bien
venir de quelque part, du moins à moyen ou long terme, et
qu'il ne surgit pas simplement du néant » ne vaut pas en
droit communautaire des aides d'Etat (CJUE 2 sept.
2010, Commission c/ Deutsche Post AG, aff. C-399/08
P).
La Cour rejette en effet cette argumentation de la
Commission dans la mesure où la marge d'appréciation dont
dispose la Commission de Bruxelles dans le cadre du contrôle
des compensations versées au titre d'un SIEG n'est pas
étendue au point de lui permettre de présumer que des fonds
publics ont conféré un avantage à l'entreprise sans vérifier
au préalable si ceux-ci excédaient effectivement l'ensemble
des surcoûts liés à l'accomplissement d'un service d'intérêt
économique général supportés par l'entreprise. La Commission
avait en effet fait présumé que la compensation faite au
titre des missions de SIEG avait nécessairement dépassé ce
qui était nécessaire du fait d'un raisonnement déductif fait
à partir d'un triple constat : en premier lieu,
l'entreprise avait bénéficié de ressources publiques pour un
montant de 11 081 millions d'euros pour compenser les coûts
générés par la fourniture de services d'intérêt économique
général, en deuxième lieu, la politique de vente à perte
menée dans le secteur des services de transport de colis de
porte à porte avait généré des surcoûts nets de 1 118,7
millions de DEM, non liés à l'accomplissement d'un SIEG, en
troisième lieu, pendant la période examinée, l'entreprise
avait enregistré un déficit total, tous secteurs d'activité
confondus, de 2 289 millions de DEM – ce qui prouvait selon
la Commission que l'entreprise avait nécessairement compensé
les surcoûts générés par sa politique de vente à perte au
moyen d'une partie des fonds publics perçus pour l'exercice
de SIEG et bénéficié d'une aide d'Etat d'un montant
correspondant. Le Tribunal et la Cour ont invalidé ce
raisonnement.
3/ Droit public de la concurrence
-
Le Conseil d'Etat assouplit encore un peu plus les
conditions de participation d'une personne publique à une
activité économique quand est en cause la création d'un GIP
(CE 10 novembre 2010, société Carso Laboratoire santé
hygiène environnement, req. 319109).
On sait en effet que, selon une formule adoptée en 2006
(CE, ass. 30 mai 2006, Ordre des avocats à la Cour d'appel
de Paris), la prise en charge d'une activité économique par
une personne publique ne requiert pas toujours une
« carence » de l'initiative privée. Le Conseil
franchit ici une étape supplémentaire dans l'admission de
telles interventions, ici dans le domaine des analyses
médicales, en ne posant pas de limites en l'espèce à
l'intervention des personnes publiques en cas de création
d'un GIP. Il juge en effet « qu'en créant [un GIP]
distinct de lui destiné à reprendre les activités de service
public auparavant exercées par son laboratoire départemental
d'analyses et à opérer sur un marché concurrentiel, le
département de l'Allier, qui [...] a mis fin aux
responsabilités qu'il exerçait jusqu'alors en matière
d'analyses vétérinaires et d'hydrologie, ne peut être
regardé comme ayant pris lui-même en charge une activité
économique ; que, par suite, la société [requérante] n'est
pas fondée à soutenir que le département de l'Allier ne
pouvait prendre part à la création de ce groupement que dans
le respect de la liberté du commerce et de l'industrie et
qu'en l'espèce cette liberté aurait été méconnue ». On
peut s'étonner quelque peu que la forme juridique choisie
pour l'intervention (un GIP) ait un impact sur la solution
du juge et que, par ailleurs, l'intérêt public est constitué
par référence à la loi du 22 juillet 1987 qui prévoit
simplement la possibilité de créer des GIP dans le domaine
de « l'action sanitaire et sociale ».
-
Le décret d'application de l'article imposant L.
33-7 du code des postes et des communications électroniques,
qui impose aux opérateurs et gestionnaires d'infrastructures
de communications électroniques de communiquer, à leur
demande, à l'Etat et aux collectivités les informations
relatives à l'implantation de leur réseau sur le territoire
est partiellement annulé (CE 10 novembre 2010, Fédération
Française des télécommunications et communications
électroniques, req. n° 327062).
Ces annulations partielles s'expliquent par le fait que
le pouvoir réglementaire a excédé sa compétence en
permettant la communication "à un tiers concourant à
l'aménagement du territoire avec lequel ils sont en relation
contractuelle après information des opérateurs et des
gestionnaires d'infrastructures dont elles proviennent",
ou à des personnes qui ne sont pas mentionnées à
l'article L. 33-7. En outre, va au-delà des obligations
légales le fait d'imposer aux opérateurs de transmettre les
informations « sous forme de données numériques
vectorielles géolocalisées pouvant être reprises dans des
systèmes d'informations géographiques et suivant un format
largement répandu ».
-
La Cour de cassation juge qu'il n'y a pas lieu de
faire de distinction entre les opérateurs de service
public concurrencés directement sur leur activité unique et
ceux qui développent une activité distincte sur un marché
concurrentiel (Cass. com., 13 juill.
2010, Société Vedettes inter-îles vendéennes, n°
09-67.439).
Enième rebondissement dans l'affaire des vedettes
vendéennes.
4/ Biens et travaux publics
Par désordres futurs, on entend les désordres apparus
pendant le délai de la garantie décennale, mais dont la
gravité se concrétisera postérieurement à l'achèvement de ce
délai. En l'espèce, il s'agit de délitements de tuiles dont
il paraît évident aux juges qu'ils rendront l'ouvrage
impropre à sa destination postérieurement au délai de
garantie décennale. Cette solution n'est pas nouvelle en
droit administratif, mais elle prend un relief particulier
dans la mesure où la Cour de cassation, qui jugeait de
manière identique auparavant, a procédé à un revirement de
jurisprudence par 3 arrêts du 29 janvier 2003. Depuis lors,
elle accepte d'indemniser des désordres qui ne rendent pas
encore l'ouvrage impropre à sa destination mais à condition
qu'elle a la certitude qu'ils rendront l'ouvrage impropre à
sa destination dans le délai de 10 ans. Une différence donc
de plus avec le régime de droit public de la garantie
décennale, qui va dans le sens d'une plus grande protection
du maître d'ouvrage public.
-
L'interdiction de circulation des poids lourds sur
une route communale peut créer une rupture d'égalité devant
les charges publiques au détriment des propriétaires de
bâtiments desservis par ce seul accès, y compris pour ceux
louant leurs biens immobiliers à une entreprise de
logistique (CE 4 octobre 2010, Commune de Sylvain
d'Anjou).
-
La Cour européenne des
droits de l'homme contrôle que l'indemnité d'expropriation
n'a pas fait supporter au requérant une charge excessive et
qu'elle a ménagé un juste équilibre entre l'intérêt général
de la communauté et les droits fondamentaux de celui-ci,
justifiant ainsi cette ingérence dans le droit au respect de
ses biens (CEDH 4 novembre 2010, M. G. Dervaux, n°
40975/07).
5/ Urbanisme et environnement
Même si bon nombre de dispositions nécessitent encore
l'intervention de décrets d'application, on peut déjà
dégager quelques grandes tendances en matière de droit
de l'urbanisme : la définition de nouveaux objectifs et
nouveaux contenus des documents d'urbanisme, le
réaménagement de la hiérarchie des normes d'urbanisme,
l'extension des champs d'application des procédures de
projet d'intérêt général et de déclaration de projet, le
renforcement du contrôle de légalité sur les documents
d'urbanisme, la diminution des pouvoirs des autorités
compétentes pour délivrer les autorisations d'urbanisme et
l'incitation à l' « intercommunalisation » des
compétences en matière d'urbanisme.
-
Les plans d'urbanisme peuvent délimiter, pour des
motifs d'urbanisme, des zones dans lesquelles l'implantation
de certains établissements commerciaux est interdite ou
réglementée (CE 8 juin 2010, Société Immo Concept, req n°
317469). En l'espèce, est admis la légalité d'une
réglementation d'urbanisme interdisant toute nouvelle
implantation de bureaux et de services en rez-de-chaussée à
l'effet de préserver le commerce de proximité et
l'artisanat, et à éviter la transformation d'un tissu
diversifié en activité de service, notamment bancaire ou
d'agences immobilières, sous la pression économique du
moment. La solution n'allait pas de soit au moment des
faits, c'est-à-dire en 2007, alors que la loi du 12 juillet
2010, dite « Grenelle II » a maintenu la
reconnaissance explicite du rôle des PLU en matière de
diversité commerciale (nouvel article L123-1-5), sans être
toutefois aussi claire que ne l'avait été l'article 103 de
la loi du 4 août 2008.
-
L'article L123-16 du Code de l'urbanisme, qui donne
aux autorités compétentes de l'Etat le pouvoir de modifier
les documents d'urbanisme locaux pour permettre, malgré
l'opposition d'une commune ou d'un établissement public de
coopération intercommunale, l'exécution d'une opération
revêtant un caractère d'utilité publique, ne porte pas à la
libre administration des collectivités territoriales une
atteinte qui excèderait la réalisation de l'objectif
d'intérêt général poursuivi par cette opération déclarée
d'utilité publique (CE 15 septembre 2010, Thalineau, req n°
330734).
- Le moyen tiré de ce que le certificat d'urbanisme
méconnaîtrait le droit de propriété tel qu'il est garanti
par les dispositions constitutionnelles ne présente pas de
caractère sérieux (CE 7 octobre 2010, Berreterot, req.
323882).
6/ Contentieux
- Une collectivité locale est recevable à saisir le
juge pour obtenir le paiement d'une dette par une autre
collectivité et le juge par ailleurs appliquer la
jurisprudence Ville de Béziers (CE 31 mai 2010, Communauté
d'agglomération Vichy Val d'Allier, req.
329483).
En vertu de la jurisprudence classique Préfet de l'Eure
(CE 30 mai 1913), l'administration n'est pas recevable à
demander au juge ce qu'elle peut faire elle-même, ce qui est
le cas lorsqu'elle est créancière puisqu'en vertu du
privilège du préalable, elle peut émettre un titre
exécutoire. Le Conseil d'Etat y apporte ici une exception
logique, dans la mesure où une personne publique n'est pas
sûre d'obtenir le recouvrement effectif d'un titre
exécutoire à l'égard d'une autre personne publique. En
outre, la CAA n'avait pas recherché si le vice
d'incompétence allégué était de nature à entrainer la
nullité du contrat en cause, ce qui signifie au passage
qu'un vice d'incompétence n'est pas toujours grave au sens
de la jurisprudence ville de Béziers, et l'affaire est
renvoyée devant la CAA de Lyon.
- Le non respect de l'obligation de notifier le référé
précontractuel au pouvoir adjudicateur n'entraîne pas
l'irrecevabilité de la requête (CE 10 novembre 2010,
Ministre de la défense, req. 341132 et France Agrimer, req.
340944).
Dans le premier arrêt, le Conseil d'Etat fait preuve de
pragmatisme et se veut pédagogue en indiquant que cette
prescription n'était posée que dans l'intérêt du requérant,
afin que le pouvoir adjudicateur ne signe pas le contrat, ce
qui a pour effet de rendre irrecevable ou sans objet le
recours. Compte tenu de l'objectif de cette obligation, il
n'est pas nécessaire de sanctionner son non respect par
l'irrecevabilité de la requête.
Cet arrêt est à lire en combinaison avec le deuxième
arrêt du même jour, qui juge qu'un référé précontractuel
peut se transformer en référé contractuel dans une même
instance dans certaines circonstances. Les circonstances en
cause concernent le cas où le requérant a introduit un
référé précontractuel « alors qu'il était dans
l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du
marché par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur au
respect des dispositions de l'article 80 du code des marchés
publics qui prévoit l'obligation de notifier aux candidats
le rejet de leurs offres ». En conséquence, il peut,
par une nouveau mémoire mais dans la même instance, se
placer comme en l'espèce sur le terrain du référé
précontractuel. Cette solution pourrait s'étendre au cas du
recours Tropic compte tenu de la formule générale retenue
(les dispositions du code de justice administrative
« n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours
contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait
antérieurement présenté un recours précontractuel alors
qu'il était dans l'ignorance du rejet de son offre et de la
signature du marché »).
- La garantie de parfait achèvement a le même fondement
juridique que la garantie contractuelle de droit commun. En
conséquence, les deux demandes ne sont pas fondées sur des
causes juridiques distinctes et il est possible de soulever
pour la première fois en appel un manquement à l'une ou à
l'autre des deux garanties (CE 9 juillet 2010, Commune de
Lorry-les-Metz, req. 310032).
- Le juge judiciaire est compétent pour juger de la
légalité du refus d'un renouvellement d'occupation du
domaine privé (TC 22 novembre 2010, Brasserie du
Théâtre).
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